DECLARATION DU PARTI CRC SUR L'EVOLUTION DE LA CRISE ANJOUANAISE

Non, toutes les voies n'ont pas été épuisées !

A l'issue de la réunion ministérielle de l'Union Africaine du 20 février 2008 et à laquelle ont pris part des hauts responsables de la Tanzanie, de la Libye, du Sénégal et du Soudan, il a été décidé désolément de répondre positivement à la demande d'assistance formulée par le Président Sambi aux fins de restaurer militairement l'autorité de l'Union à Anjouan ; Nous saisissons cette occasion pour remercier notre organisation continentale ainsi que l'ensemble des organisations et pays qui contribuent pour l paix et la sécurité dans notre pays.

Mais la CRC constate que la résolution de la crise comorienne prend une autre tournure car l'Union Africaine invite à la guerre dans l'île comorienne d'Anjouan pour un contentieux purement électoral ; elle y amène 1500 soldats semble-t-il du Sénégal, du Soudan et de la Tanzanie assistée du soutien logistique de la Lybie et de la France. L'Union des Comores devient alors le nouveau champ d'expérimentation d'une nouvelle vision des relations internationales en matière de gestion des crises intra étatiques. Nous constatons que d'une façon claire pour deux crises ayant la même source se situant dans le même temps, les mêmes qui se chargent de les gérer nous montrent le génie suivant : entre les deux, il y a d'un coté un grand, sacré, très intéressant dont il faut éviter ou arrêter l'effusion de sang de ses habitants. Et de l'autre coté, il y a un petit sans ressources, sans intérêts dont le sang de ses habitants n'a aucune valeur et peut être versé sans aucune scrupule et
ainsi comme dit ci - dessus « servir de champ d'expérimentation de la résolution de crise africaine par les armes. ». Ainsi l'on cède à la pure manipulation du Gouvernement de Sambi appuyé et relayé malheureusement par des rapports dénués de fondement de ceux là qui doivent afficher une stricte objectivité pour une résolution sereine de la crise.


On n'aide pas à l'éradication de la précarité et de la misère qui vont crescendo, on ne soutient pas un système scolaire décadent en grève parce que les enseignants réclament sept mois d'arriérés, on n'appuie pas le système de santé en déliquescence totale, on ne rétablit pas l'énergie dont le manque détruit l'économie du pays, on ne vient pas au secours d'un faux projet habitat relégué aux oubliettes ni à une administration agonisante et comateuse, mais on envahit le pays de matériel lourd, on débarque militaires à grand bruit. Le pays est en état de siège parce qu'on va déboulonner le chef de l'exécutif d'Anjouan qui refuse de refaire une élection qu'il estime avoir gagné légalement. Parce qu'en fait le chef de l'Etat n'avait aucune légitimité à annuler le scrutin seulement sur une partie du territoire quelques jours avant sa tenue et cela conformément à l'article 80 du code électoral ; le fait que son candidat était largement devancé selon les pronostics ne lui donnait
pas tous les droits surtout quand il s'agit de violer de façon éhontée la loi. Nous avons été malheureusement surpris de voir que l'ensemble de la Communauté Internationale présente lors des élections au lieu de conseiller et d'aider le Chef de l'Etat à respecter la loi, et à trouver une formule de compromis et conforme à la loi, elle se rivalisait de déclarations pour soutenir le report des élections qu'elle savait illégal en flagrante contradiction avec la loi. A moins d'un oubli, nous aurions aimé que l'on nous dise qui des membres des structures nationales et régionales chargées des élections à Anjouan ou de la Communauté Internationale présente là-bas aurait demandé le report avant la sortie du décret reportant les élections, des dysfonctionnements le justifiant. Le litige est né là ; il s'est durci et devient rapidement un problème personnel entre le chef de l'Etat et le chef de l'exécutif d'Anjouan. Alors faut-il se battre ? bien sûr que non, car c'est de l'ineptieet de la malhonnêteté que de dire que toutes les voies du dialogue sont épuisées quand on sait qu'aucune n'a été essayée.

Sinon que l'on rappelle à qui l'a oublié, quand, où et en présence de qui les deux protagonistes se sont rencontrés pour résoudre leur différend si ce n'est les deux déplacements effectués en Afrique du Sud et dont l'objectif était de recueillir les versions des parties pour préparer les futures négociations ; d'ailleurs faudra-t-il le rappeler, lors de la première réunion, l'Union Africaine à travers le communiqué qu'il a sorti a vivement incriminé les deux parties et les a exhorté à trouver une solution négociée à la crise qui les oppose car selon le même communiqué, chaque partie a commis des errements ; mais malheureusement, on a à chaque fois brandi seulement le bâton sans une autre alternative ; le pouvoir a radicalisé le discours, brandi les menaces et a isolé anjouan, dilapidant ainsi le patient travail de réintégration de l'île dans l'Etat à
l'issue de la réconciliation nationale de février 2001 et décembre 2003. Le Président Sambi pose comme préalable, la démission de Bacar et l'organisation d'élection à Anjouan, mais peut-on bon Dieu prendre l'objet d'un conflit comme un préalable à sa résolution ?

On ne parle pas aujourd'hui de l'autoritarisme du Président Sambi et de son Gouvernement qui a osé annuler unilatéralement et illégalement un processus électoral suscitant ainsi une crise politique ; on parle de rebelles, d'autorités illégales d'Anjouan qu'il faut chasser, des séparatistes qu'il faut anéantir alors que l'île se reconnaît jusqu'alors dans l'Etat et de ses institutions, car jusqu'à présent elle n'y a pas retiré ses représentants.


Ainsi le parti CRC dénonce avec véhémence cette gestion irrationnelle, confuse, calamiteuse et chaotique de cette crise par le régime de Sambi et par la communauté internationale, en particulier l'Union Africaine et cela pour les motifs ci-après :

1) La décision de faire la guerre avec ses conséquences incalculées et incalculables est malvenue car non proportionnelle à son objet ; en effet, on ne règle pas un contentieux électoral par un débarquement militaire surtout lorsqu'il s'agit d'élections régionales, sinon pourquoi ne l'a –t-on pas fait aux pires moments du séparatisme ?

2) On mobilise toute une armada pour tuer aux Comores alors qu'ailleurs, en Afrique d'autres conflits encore plus graves ne sont résolus que par la voie du dialogue ; l'exemple le plus frappant est celui du Kenya où toute la communauté internationale sans restriction s'est fortement mobilisée pour stopper les affrontements et proposer une solution négociée quitte même à modifier la constitution du pays car comme l'a dit un sage : « partout où il y a une volonté, il y a un chemin ».

3) Aujourd'hui, on simule des tortures dans une propagande éhontée pour faire la guerre, alors que le pouvoir de Sambi qui viole les droits humains avec sa garde personnelle qui arrête et bastonne qui elle veut, traque les opposants, refuse le pluralisme, et caporalise les médias, est couvé.

4) L'esprit «va-t-en guerre» du Président Sambi et de son gouvernement appuyé par l'Union africaine remet en cause de manière profonde et dangereuse le processus de réconciliation qu'elle a elle-même soutenue sans réserve et grâce auquel des avancées considérables ont été enregistrées notamment, la réussite de l'alternance même si des esprits malveillants et malintentionnés refusent de voir la réalité en face; alors comment peut-on assister pendant plusieurs années patiemment, consciemment et sans déterminisme, à la mise en œuvre d'un processus et prôner son démantèlement total dans sa phase finale ? Cela dénote de l'incohérence dans la façon de gérer les conflits, car comment peut-on à la fois soutenir une chose et son contraire ? et c'est pourquoi nous l'avons toujours clamé haut et fort que « seuls les comoriens sont capables de trouver les solutions idoines à leurs propres problèmes »et ceux qui soutiennent le contraire seront toujours dépassés par les évènements.5) Dans cette crise, l'Union Africaine donne l'impression de fonctionner dans la cacophonie et non en conformité à des procédures préalablement ficelées et connues de tous, auquel cas c'est la crédibilité de toute l'institution qui se trouve dangereusement affecté ; comment en effet expliquer le dessaisissement incompréhensible du dossier comorien au mandataire principal qu'est l'Afrique du Sud qui lui a été confié lors d'un sommet des Chefs d'Etat en 1998 ? Quelle valeur peut-on accorder à une réunion aussi importante que celle qui va décider de faire ou non la guerre et à laquelle le pays le plus puissant de la région, principal pourvoyeur de l'institution (Union Africaine) et de surcroît mandataire principal et officiel du dossier faisant l'objet de la réunion n'a pas été convié ? lequel mandataire n'a présenté aucune faille dans la gestion du dossier ? au contraire, grâce à ses moyens et seulement à ses moyens de toutes sortes (humains, financiers, etc..)
l'alternance a eu lieu ?

6) Lorsque le conseil de paix et de sécurité décide le 19 février 2008 de proroger les sanctions infligées aux autorités d'Anjouan de deux mois et que la réunion ministérielle du 20 février décide de faire la guerre et d'en finir avec Bacar fin mars, quelle est des deux décisions la plus officielle ?

7) Il convient de rappeler que le droit d'ingérence n'est accordé que dans deux et seulement deux cas: le cas de crime de guerre et le cas de génocide. Dans quel cas situons nous le cas des Comores alors qu'on est entièrement dépassée par les évènements du Darfour et de la Somalie ? l'Union Africaine a une mission de paix et non de guerre autrement dit, là où il n'y a pas la guerre elle ne doit pas y aider.

8) Le débarquement verra la participation des forces étrangères selon les dire du gouvernement du Président Sambi, de l'Union Africaine et de notre constat; sous quel mandat, ces forces interviendront, lorsqu'on sait que l'Union Africaine n'a obtenu aucun mandat du Conseil de sécurité de l'ONU ? Ces forces vont devoir intervenir aux cotés de l'AND et utiliser conjointement des armes lourdes ; les défenseurs d'un éventuel maintien de l'ordre doivent alors se mordre le doigt sinon l'enfoncer dans l'œil car il ne s'agit nullement d'un maintien de l'ordre aussi bien dans la forme que dans le fond ; il s'agit bel et bien d'une guerre et auquel cas nos institutions compétentes notamment l'Assemblée de l'Union doivent être consultées au préalable surtout lorsque cette opération implique une altération profonde de la loi de finance votée par l'Assemblée. Pire encore, lorsqu'on apprend que c'est Madeira qui s'est déplacé en personne pour «tenez vous bien» informer
l'Assemblée des préparatifs de la guerre et de son imminence. Nous pensons qu'il aurait été respectueux pour notre pays et nos institutions que ca soit un membre du gouvernement qui le fasse en lieu et place d'un fonctionnaire international et ce quelque soit l'estime que nous avons envers lui. Notre pays en sortirait grandi, crédible et fier de sa souveraineté.

Au vu de ces observations et de tout ce qui précède, la CRC :

a) Réitère avec la fermeté requise, sa position contre une intervention militaire à Anjouan ou l'usage d'une quelconque force

b) Attire l'attention de toute la population comorienne et de toute la communauté internationale sur le caractère infondé d'une guerre fratricide dont les motifs ne sont pas convaincants

c) Tient le Président Sambi, son gouvernement et les pays et organisations qui la soutiennent responsables des conséquences fâcheuses qui en découleront de cette guerre, entre autre le démantèlement définitif du pays.

d) Reste convaincue que la voie de réconciliation déjà tracée par les accords de Fomboni et de Beit Salam demeure encore une source d'exploration pertinente pour une sortie durable de la crise et en appelle par conséquent toutes les parties à plus de retenues et de lucidité pour l'intérêt supérieur de la nation.

e) Le Président Sambi a eu la prouesse d'avoir le soutien de la Communauté Internationale dans son aventure guerrière et surtout celui de deux puissants membres du Conseil de Sécurité. Nous formulons le vœux que cet appui pour ce qu'ils appellent « l'intégration d'Anjouan » se fera aussi en ce qui concerne l'île comorienne de Mayotte. Ne serait ce que dans l'ouverture des négociations, car Anjouan fait partie intégrante des Comores selon le droit international comme l'est Mayotte selon le même droit. Nous espérons que l'amitié qui nous lie à ces puissances et notre modeste soutien à leur coté dans les instances internationaux et dans la lutte contre le terrorisme les amène à nous faire bénéficier de leur grande expérience quand aux conséquences désastreuses de la résolution des conflits par la force.

f) La CRC qui se veut un parti de l'opposition avec des élus dans toutes les assemblées nationales que régionales n'affichent aucune ambition que de participer à la construction de notre pays selon ses modestes expertises et expériences. A ce moment crucial du devenir de notre pays, elle entend s'opposer vigoureusement au principe de la pensée unique qui n'a de droit de cité dans le monde actuel. Dans cette malheureuse crise, elle ne s'oppose à personne, ni à quiconque, elle s'oppose à la guerre partout dans le monde et surtout dans notre cher pays qui n'en a pas besoin. D'ailleurs le gouvernement de l'Union commence à nous préparer sur les dispositifs transitoires après l'intervention à Anjouan. Ce qui révèle la motivation réelle de la solution militaire, contrairement à la négociation qui déboucherait à la reprise du fonctionnement régulier de nos institutions. Un homme averti en vaut deux.

Moroni le 15 Mars 2008

Le Secrétariat National de la CRC
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